Dans quels cas une SCI peut-elle garantir la dette d’un associé ?

Une SCI ne peut pas constituer une hypothèque sur son seul immeuble pour garantir la dette d'un associé si cette sûreté risque de compromettre sa survie. Ce rappel de la Cour de cassation est l'occasion de faire le point sur les situations dans lesquelles ce type de garantie peut être envisagé par une SCI. (Cass. com. 6 janvier 2021, n° 19-15299)

La Cour de cassation rappelle, d'une part, que la sûreté accordée par une société civile en garantie de la dette d'un associé n'est pas valide dès lors qu'étant de nature à compromettre l'existence même de la société, elle est contraire à l'intérêt social. Il en est ainsi même dans le cas où un tel acte entre dans son objet statutaire.

D'autre part, les juges relèvent que l’immeuble donné en garantie constituait le seul bien de la SCI de sorte que cette dernière, qui ne tirait aucun avantage de son engagement, mettait en jeu son existence même.

La constitution de l'hypothèque sur l'immeuble de la SCI doit donc être annulée, l'acte n'intervenant pas dans l'intérêt de la société.

La Cour de cassation reste fidèle à sa jurisprudence antérieure qui refuse toute garantie consentie par une SCI dès lors que celle-ci n'en retire aucun avantage (voir en ce sens, cass. com. 3 juin 2008, n° 07-11785 ; cass. com. 12 septembre 2012, n° 11-17948 ; cass. com. 23 septembre 2014, n° 13-17347).

Les situations dans lesquelles une SCI a pu garantir la dette d'un associé

La garantie par la SCI d'une dette d'un associé est envisageable lorsque la SCI peut y trouver son intérêt.

Ainsi, le cautionnement hypothécaire d’une SCI sur son seul bien immobilier afin de garantir la dette d'un associé a été validé notamment lorsque :

-la garantie avait permis à la SCI d’acquérir un patrimoine immobilier et d’en percevoir les loyers (cass. com. 2 novembre 2016, n° 16-10363) ;

-la valeur de l’immeuble excédait le montant de l'engagement de la SCI ; ainsi celle-ci avait pu réinvestir le reliquat de la vente, de telle sorte que son entier patrimoine n'avait pas disparu (cass. civ., 3e ch., 21 décembre 2017, n° 16-26500) ;

-la dette garantie avait pour objet la récupération de fonds propres investis par le gérant dans la SCI (cass. civ., 3e ch., 20 décembre 2018, n° 17-26216).

L'intérêt social réinterprété par la loi Pacte

Jusqu'à l'intervention de la loi 2019-486 du 22 mai 2019 (dite « loi Pacte »), l'intérêt de la société n'était pas défini dans les textes. Il était uniquement prévu que toute société devait avoir un objet licite et être constituée dans l'intérêt commun des associés (c. civ. art. 1833, al. 1).

La loi Pacte a ajouté un nouvel alinéa : « La société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité » (c. civ. art. 1833, al. 2). Toutefois, elle a, par la même occasion, exclu la sanction de nullité pour tout acte ou délibération de la société pris en méconnaissance de ce nouvel alinéa (c. civ. art. 1844-10, al. 3).

Cette nouveauté ne joue que pour les actes conclus à compter du 24 mai 2019 ; tel n’est pas le cas dans notre affaire ci-avant commentée. Mais il sera intéressant de connaître la position de la jurisprudence sur des garanties consenties postérieurement à cette date. Si elle considérait que la sanction de la nullité n'était plus possible en application de l'article 1844-10 du code civil, les garanties données par une SCI pourraient-elles être plus largement validées ?

Source Revue fiduciaire Feuillet hebdo n° 3880 du 25 février 2021.