Comment sortir l’immobilier d’entreprise inscrit à l’actif du bilan d’une société ou d’une SCI à l’impôt sur le revenu ?

On rencontre encore régulièrement des entreprises, qui détiennent à l’actif de leur bilan, l’immeuble dans lequel le chef d’entreprise et son équipe exercent leurs activités. Cette situation est nécessaire lorsqu’il s’agit d’un immobilier spécifique lié à une activité.

Cependant lorsque ce n’est pas le cas et que le chef d’entreprise souhaite dissocier l’immobilier d’entreprise de l’exploitation pour différentes raisons (cession de l’entreprise, transmission aux enfants, préparation à la retraite) cette situation doit évoluer tout en sachant que la société a toujours besoin d’exploiter cet immeuble.

Il peut être envisagé que l’entrepreneur et un ou plusieurs membres de sa famille (les enfants pour répondre à l’objectif de transmission) créent une société civile à qui sera vendue la pleine propriété de l’immeuble. La société d’exploitation paye la plus-value, encaisse le prix et un bail locatif sera signé entre les deux parties.

Il est possible également, et ce sera l’objet de ce développement, d’organiser un démembrement de propriété par rétention d’usufruit. Dans ce cas il s’agit uniquement de la cession de la nue-propriété de l’immeuble à une société civile tout en réservant un droit d’usufruit pour une durée déterminée à la société d’exploitation.

Ce schéma présente des avantages pour la société d’exploitation et pour le chef d’entreprise

En effet cette solution permet à l’entreprise de sécuriser sur une longue période les conditions de jouissance sans loyer à verser (comparativement à une cession de la pleine propriété), elle pourra toujours amortir son droit d’usufruit. Ces deux conséquences amélioreront sa capacité d’autofinancement.

Pour le nu-propriétaire, cette solution lui permet d’acquérir un droit immobilier à moindre coût, de devenir plein propriétaire du bien en franchise de droit à l’extinction du démembrement qui lui procurera des revenus futurs en cas de location (imposés à l’IR+PS) ou en cas de vente (imposition des plus-values immobilières des particuliers)

La question se pose alors de savoir comment le futur nu-propriétaire peut financer l’acquisition de ce droit?

Ils existent quatre possibilités pour « sortir » la nue-propriété de la société au profit de l’entrepreneur

La première est une cession « traditionnelle », l’acheteur utilise ses deniers personnels ou emprunte pour acquérir la nue-propriété en sachant qu’il n’aura pas de revenu en contrepartie et ne pourra pas déduire les intérêts d’emprunt le cas échéant.

L’acquisition peut également être effectuée par compensation du compte courant d’associé. Cette solution permet de justifier l’opération car en remboursant un compte courant d’associé, la société d’exploitation efface une dette. Cette dation en paiement qui est le fait de se libérer d'une dette par une prestation ou un bien différent de celui qui était initialement dû présente un intérêt économique pour l’entreprise.

Il est également possible que la société distribue un dividende en nature si les deux parties acceptent. Dans ce cas il y a une remise de la nue-propriété d’un bien sous forme de dividende qui sera soumis à la fiscalité de la distribution des dividendes

Enfin si les capitaux propres sont suffisants, il est possible de réduire le capital et d’attribuer en contrepartie de l’annulation des titres la valeur de la nue-propriété de l’immeuble. En effet la réduction de capital peut se traduire par une attribution en numéraire ou en nature.

La principale difficulté de cette solution, se situe sur les valorisations de la nue-propriété pour le calcul de la plus-value professionnelle sur ce seul droit et sur la valorisation de l’usufruit restant à disposition de la société d’exploitation. La valorisation de ces deux droits sera connue en n’effectuant que le calcul de la valeur économique de l’usufruit du fait de la formule : Nue-propriété = Pleine propriété - Usufruit.

Il sera important de fixer la durée de l’usufruit en fonction des objectifs professionnels et personnels du chef d’entreprise. Il sera également indispensable de faire appel à un expert immobilier qui évaluera la valeur locative du bien et protégera le client et son conseil d’une contestation de l’administration fiscale. Le traitement comptable de la détention de l’usufruit sera également un point très important.

L’interprofessionnalité sera un élément primordial de la réussite de ce projet.

Ce schéma est également envisageable lorsqu’un bien immobilier est détenu par une SCI à l’IR et lorsque la fiscalité des revenus fonciers est lourde pour les associés. En effet la fiscalité sur les revenus (TMI + 17,2% de prélèvements sociaux) sur une assiette d’imposition importante (car peu de charges sont déductibles) peut être pénalisante. En sachant que les associées seront soumis à l’impôt, en fonction de leurs droits sur le résultat, qui dans le cas où un emprunt a été contracté pour l’acquisition de l’immeuble, est bien supérieur à la trésorerie distribuable. Lorsque le dividende n’est pas « payé » il peut cependant être distribué comptablement ce qui permet de créer un compte courant d’associé alimenté chaque année. Ce compte courant d’associé, s’il est suffisamment conséquent, pourra être remboursé par la remise en nue-propriété de l’immeuble.

Cette opération permettra aux associés d’acquérir un droit immobilier sans utiliser leurs deniers personnels

Dans un second temps la société civile opte pour l’imposition sur les sociétés. Le régime fiscal de l’impôt des sociétés permet de limiter le montant de l’impôt à l’assiette fiscale déterminée par la société, dans des conditions plus favorables que le régime des revenus fonciers.

En effet la SC pourra amortir son droit d’usufruit et l’ensemble des frais qui sont nécessaires à l’exploitation sont déductibles pour déterminer la base fiscale.

Cette base taxable est quant à elle soumise à un taux de 15% (jusqu’à 38120€) puis 26,5% pour les exercices ouverts à partir de 2021.

Le résultat de la société à l’IS peut être distribué ou conservé au sein de la société. Cette distribution facultative permettra au chef d’entreprise d’être dans une position d’imposition « choisie »

Au terme du démembrement, le droit d’usufruit s’éteint et l’entrepreneur redevient plein propriétaire de l’immeuble, par l’intermédiaire de la Société civile créée, qui pourra louer l’immeuble ou le vendre dans des conditions favorables.

Dans ce schéma, une bonne valorisation économique de l’usufruit et de la nue-propriété sera encore le point le plus important de l’étude.